
© Chantal Depagne/Palazon 09 - De profundis -
“Le vice suprême est la superficialité. Tout ce dont on prend conscience est bien” Oscar Wilde
DE PROFUNDIS
commenté par Danièle Grobsheiser
En 1895, dans sa cellule de la prisonde Reading le Matricule C 33 alias Oscar Wilde achève une peine de deux ans de travaux forcés pour “sodomite”. En pleine ère victorienne, c’est la peine maximale pour ce délit. Incarcéré en pleine gloire, il a obtenu du nouveau directeur, quelques semaines avant sa sortie, suffisamment de papier pour écrire une lettre à l’intention de son amant Alfred Douglas, le fils du Marquis de Queensberry dont il est sans nouvelles depuis qu’il est écroué.
Le décor est minimaliste, juste un escabeau de bois et une couverture rouge qui à elle seule assumera des rôles différents. Le metteur en scène Grégoire Couette-Jourdain a su redonner aux mots de Wilde la force de leur vécu. Jean Paul Audrain, seul en scène, en uniforme terne de forçat, fait vivre ce texte fascinant. Wilde enfermé, confronté à sa situation humiliante, être passé la même année des feux de la rampe avec le succès de “The importance of being earnest” au clair obscur d’une cellule, revit et analyse, avec lucidité et un recul aussi troublants que brillants, ces trois ans passé avec son amant. Souvenirs, doutes, constats, interrogations, douleur… Amertume et regrets jamais. Wilde est en prison pour avoir commis l’erreur d’attaquer le Marquis de Queensberry en diffamation. Ce dernier, incapable d’accepter l’homosexualité de son fils et empêché, pour peu, de faire un scandale à la première de “The importance of being earnest” avait laissé sa carte au club de Wilde adressée au “sodomite”. Mal en prit à Wilde. Le procès retentissant qui en suivit disculpa le Marquis. Par effet boomerang, la « sodomite », un délit, attestée par des témoins, devenait chef d’accusation et objet d’un nouveau retentissant procès d’où la présence de Wilde à Reading. Mais dans sa lettre à Bosie, ni amertume ou regret, beaucoup d’amour. Un texte « à maintes endroits mouillé de larmes, marqué en d’autres par les signes de la passion ou de la souffrance ». Jean Paul Audrain s’efface derrière Wilde qui nous entraine au cœur de ses pensées dans cette geôle si triste. Les pensées d’un homme qui signe là un vrai testament de son talent puisque De Profundis fut son dernier ouvrage en prose. Il nous confronte avec la dramatique réalité d’une époque puritaine où être artiste, brillant, reconnu mais homosexuel pouvait causer sa propre perte. Une belle adaptation de Grégoire Couette-Jourdain, un travail magnifique de Jean Paul Audrain. Un grand et beau moment d’intelligence et de charme. Danièle Grobsheiser
PS. Wilde sortit de Reading malade, ruiné par ses procès et s’installa en France. Il vécut épisodiquement avec Alfred Douglas, abusa de l’absinthe et mourut trois ans plus tard, le 27 novembre 1900. Il avait 46 ans. Ses restes sont au Père Lachaise.
Alfred Douglas nia toujours avoir reçu le manuscrit de Wilde. Il publia Oscar Wilde, a summing up en 1940 à la fin de sa vie.
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