LOUIS LE BROCQUY

Nécrologie par Ann Cremin

Louis Le BrocquyLouis Le Brocquy, qui s’est éteint le 25 avril 2012, à Dublin âgé de 95 ans, était cet oiseau rare (rara avis in terris) – un être véritablement civilisé. Sa posture élégante, son apparence blond-argentée et sa puissance nerveuse, lui conféraient l’apparence de l’un de ses propres tableaux. Son esprit vif était tempéré par une courtoisie attentionnée et une patience infinie par rapport à ses innombrables amis et admirateurs.
Né à Dublin en 1916, Le Brocquy a très tot décidé de ne pas rejoindre l’entreprise familiale. Il partit faire un tour d’Europe studieux et en prenant son temps – cela rappelle les fameux « tours européens » des jeunes gens de bonne famille au 19eme siècle. Sa curiosité et son appétence pour les formes d’art, ainsi que son œil aiguisé l’ont conduit à visiter tous les grand musées d’Europe. Louis Le BrocquySa première exposition eut lieu à Londres en 1947, en compagnie d’artistes prometteurs de sa génération tels que Ben Nicholson, Barbara Hepworth et Francis Bacon qui sera un ami fidèle tout au long de sa vie. En 1956 un voyage en Espagne fut déterminant pour la suite de son œuvre. Il le décrit ainsi : « chaque objet semblait noyé et absorbé par le soleil, de sorte que tout semblait suspendu dans une matrice blanche. » Jusque là, il peignait des tableaux pleins de couleur et de mouvements, comme la série « The Tinker family », mais à partir de cette rencontre décisive, il commença une longue série de portraits. Ses sujets préfères étaient les écrivains et les intellectuels – parmi les plus connus se trouvent des portraits de Yeats, Joyce et évidemment Samuel Beckett. Le Brocquy a affronté le genre académique de la portraiture en produisant des œuvres fantomatiques, souvent surpeintes, avec des gestes nerveux et précis, d’où les têtes émergent de façon spectrale, blanc sur blanc. Pour lui, « la tête est une boite magique qui maintient l’esprit captif ». Afin de libérer ces esprits, il a fait de nombreuses esquisses pour chaque portrait.
BeckettLouis et sa femme, l’artiste Anne Madden, ont vécu longtemps dans le midi de la France, non loin de St Paul de Vence, où la Fondation Maeght a inclus de nombreuses œuvres de l’artiste irlandais dans ses expositions de groupe. A Paris il a exposé à la Galerie Jeanne Bucher, qui lui a consacré une rétrospective importante pour fêter son 90ème anniversaire. Il a eu une exposition bien accueillie par le public et la presse au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris en 1976. Il avait été décoré de la Légion d’Honneur l’année précédente. Il a aussi été le premier artiste à être inclus de son vivant au Irish Museum of Modern Art, où tout un étage est consacré à son œuvre. Le Brocquy a aussi beaucoup travaillé avec les tapisseries d’Aubusson, où il a notamment produit la série de Cuchulain, fondée sur la mythologie Celtique.
Un autre aspect de l’œuvre de Le Brocquy accessible au plus large public, fut les illustrations de l’artiste au moment de la parution de la magnifique traduction de Thomas Kinsella du « Tain », les légendes épiques et chevaleresques de la mythologie irlandaise. Ces dessins à la brosse ont conduit l’artiste a entreprendre de nombreuses autres illustrations, notamment pour la revue littéraire The Crane Bag. Pour se changer les idées après la longue série des « Tètes » dans lesquelles l’artiste se plonge dans la mythologie et le subconscient du sujet, Louis Le Brocquy a aussi créé, à la fin des années 80, une magnifique série onirique de fleurs, de plantes et d’oiseaux en vol. A cette époque, il m’expliqua :

« Je crois que maintenant je reviens à une préoccupation plus ancienne, un retour aux choses naturelles – aux plantes qui poussent, aux fruits et aux poissons rouges, et aux pigeons à queues déployées. C’est peut-être tout simplement une coupure nécessaire après toutes ces têtes et leurs aspects tragiques …un retour à une façon d’être plus simple, l’émergence de sa propre nature, et remplissant son petit volume de réalité par les possibilités naturelles de ses formes. »

Louis le Brocquy: www.louislebrocquy.com/ (Official Site)

Louis le Brocquy: Portrait of the artist (Irish Times.com)

Galerie Jeanne Bucher : www.jeanne-bucher.com


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